Concert

20ème Festival de Pâques de Deauville
du 23 avril au 7 mai 2016

En 1997, quatre jeunes solistes – Renaud Capuçon, Jérôme Pernoo, Nicholas Angelich et Jérôme Ducros - fondaient le festival de Pâques de Deauville avec Yves Petit de Voize et le parrainage spontané de Maria João Pires, d’Augustin Dumay et d’Emmanuel Krivine. Dans l’écrin idéal de la salle Elie de Brignac (célèbre pour ses ventes de pur-sang) ils invitèrent à les rejoindre tout ce que la France comptait de jeunes musiciens de chambre doués et ambitieux. Du trio à l’orchestre et de la musique baroque à celle de notre époque, une centaine de jeunes instrumentistes et d’ensembles se retrouvent toujours chaque printemps à Deauville dans le même esprit d’amitié et de partage qui prévalait il y a vingt ans. Des carrières s’y sont révélées, des vocations affirmées et des ensembles s’y sont formés comme Le Cercle de l’Harmonie de Jérémie Rhorer. « Incubateur de talents, lieu unique de rencontres et d’expérimentations » (La Tribune), le festival de Pâques de Deauville réunit toujours « tout ce qui naît ou s’affirme, avec une conception large du répertoire » (Le Monde).
vendredi 06 mai 2016
Le timbre voilé, la sonorité douce,
l'expression feutrée de l’alto et la clarinette (les compositeurs remplacent
volontiers l’un par l’autre) ont naturellement attiré les romantiques grands
lecteurs de contes, adorateurs de la nuit, amateurs de fantastique. Littéraire
accompli, Schumann invente ses Märchen (contes, légendes) à la fin de sa courte
vie et les confie à ces deux instruments narrateurs dans des formes libérées de
la contrainte de la sonate, impropre à une expression par essence spontanée et
fantasque..
Composé en trois jours, les
Märchenerzählungen associent l’alto et la clarinette au piano. On pourrait
imaginer ce récit en quatre parties inquiétant, étrange, marqué par les
troubles mentaux du compositeur. Il surprend au contraire par son caractère
animé (trois mouvements sur quatre) ou rêveur et apaisé (le troisième).
Quelques jours après la rédaction de ces pages, Schumann tentera de mettre fin
à ses jours en se jetant dans le Rhin. Biographie et musique ne coïncident pas
toujours.
Constitué dans la deuxième moitié du
XVIIIe siècle, le quatuor avec piano permet aussi bien de pratiquer des
concertos pour piano à domicile que des pages spécifiques (Mozart, Beethoven
mais aussi Eberl ou Tomašek). Toute l’ambiguïté de l’exercice se résume dans
cette ambivalence : le quatuor avec piano relève-t-il de la musique
symphonique domestique (le trio à cordes remplaçant l’orchestre) ou de la
musique de chambre ? Quand en 1842, il commence la rédaction de son opus
47, Schumann entreprend également ses trois quatuors à cordes et son
quintette avec piano. Comme ce dernier, le quatuor partage la tonalité de mi
bémol majeur, celle qu’avait choisie Beethoven pour sa Symphonie
« Héroïque ». Par un raccourci un peu hardi mais non dénué de
fondements, on peut alors imaginer la vigoureuse inspiration qui anime le
quatuor. Clara, la femme du compositeur et créatrice de l’œuvre, la considère
d’ailleurs « aussi fraîche et aussi juvénile qu’un premier essai ».
Malgré une tonalité commune et une durée voisine, à peine inférieure (vingt-six
minutes), le quatuor ne connaîtra jamais la notoriété du quintette autant
admiré pour sa figure solaire que pour son mouvement lent en forme de marche
funèbre. Si cet opus 47 ne peut pas prétendre à la même
intensité, il ne manque pourtant pas de moments forts comme son introduction Sostenuto
assai dont le cour irrésolu semble directement calqué sur celui des
derniers quatuors de Beethoven que Schumann venait d'étudier. Dès les premiers
instants, la musique accorde un rôle primordial au clavier. Même si les cordes
se réservent l’introduction, le piano aura la primeur du thème principal,
dessiné par des accords arpégés. Le scherzo affirme sa sombre
détermination (sol mineur) par un mouvement perpétuel du piano et
du violoncelle. Deux trios interrompront sa course qu'on pensait illimitée et
cousine des meilleures pages de Mendelssohn. Dans le merveilleux Andante
cantabile, le piano cède le premier rang au violoncelle qui expose une
tendre mélodie aussitôt reprise par le violon. Durant les cinq variations, les
quatre instruments parviennent à une remarquable fusion des lignes et des sons.
Dans la fin du mouvement, le violoncelliste doit changer l'accord de son
instrument : il doit en effet baisser la corde la plus grave, la corde de do,
d'un ton, vers si bémol pour pouvoir jouer la longue dernière
ligne de tonique. Après la conclusion en apesanteur de l'Andante cantabile,
le finale démarre sur les chapeaux de roue : trois accords puis une
descente en cascade de doubles croches qui évoquent le début du premier
mouvement. Le violon avait par ailleurs annoncé ses trois premières notes (si-mi-do)
dans la fin du mouvement précédent. Suivent une multiplication de propositions
qui rendent forme difficile à définir. Le violoncelle avance une phrase
mélodique en rythmes pointés avant que le piano et l'alto énoncent, en canon
(encore un !) le troisième sujet. Après un traitement complexe où dominent les
figures fuguées, le trio s'achève brillamment, après un
« accelerando » général par cinq accords à l'unisson.
Musique pure ou, au contraire, à programme ?
Quand Schönberg l'entreprend, en 1899, le poème symphonique, cette histoire
pour orchestre développée par Liszt, triomphait grâce à Richard Strauss (et à
de nombreux ballets). Schönberg tenta alors de le faire entrer par la petite
porte de la musique de chambre...avant d'en proposer deux versions pour
orchestre à cordes. Quel récit sous-tend cette demi-heure passionnée ?
Schönberg a choisi un poème de Richard Dehmel (1863-1920) et lui a emprunté son
titre. Il y fait évidemment nuit. Deux amants se retrouvent. La femme avoue à
l'homme qu'elle porte un enfant qui n'est pas le sien. Il lui répond qu'une
« chaleur singulière » qui circule de l'un à l'autre
« transfigurera l'enfant étranger ». Voilà pour le prétexte. La
forme, en cinq parties enchaînées dans un seul geste, suit celle du poème et se
termine par une coda qui synthétisent les différents et les transforme pour
« magnifier les merveilles de la nature qui ont fait de cette nuit
tragique une nuit transfigurée » comme l'écrit Schönberg. Mais le
compositeur précise également que l'auditeur peut totalement se soustraire à la
narration car sa partition « n’illustre aucune action, aucun drame, mais décrit
la nature et explique des sentiments humains ». Elle débute en ré mineur
(le drame à venir qui rappelle le début de la Sonate en si mineur de Liszt)
pour s'achever en ré majeur (le pardon et la transfiguration
dans l'amour) et marque une nette coupure à mi-parcours. Sa sonorité comme le
principe de variations à développement évoquent Brahms tandis que son
chromatisme voluptueux appelle Wagner. Comme si Schönberg voulait concilier les
musiques d'hier et de demain ou s'il refusait de choisir. Aujourd'hui on
s'étonne que cette œuvre, la plus accessible de son auteur par ses
langueurs post-romantiques, ait causé un scandale lors de sa création à Vienne
en 1902.
Programme
Robert Schumann (1810-1856) , Märchenerzählungen, quatre pièces pour clarinette, alto et piano, op. 132
20ème Festival de Pâques de Deauville - du 23 avril au 7 mai 2016 Antoine Tamestit Alto , Raphaël Sévère clarinette , Adam Laloum piano ,
1.Lebhaft, nicht zu schnell |
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2.Lebhaft und sehr markiert |
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3.Ruhiges Tempo, mit zartem Ausdruck |
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4.Lebhaft, sehr markiert |
Arnold Schoenberg (1874-1951) , La Nuit transfigurée pour sextuor à cordes opus 4
20ème Festival de Pâques de Deauville - du 23 avril au 7 mai 2016 Aleksey Semenenko Violon , Liya Petrova Violon , Adrien La Marca Alto , Sarah Chenaf Alto , Bruno Philippe Violoncelle , Yan Levionnois Violoncelle ,
1.Sehr langsam |
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2.Etwas bewegter |
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3.Schwer betont |
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4.Sehr breit und langsam |
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5.Sehr ruhig |
Robert Schumann (1810-1856) , Quatuor pour piano et cordes en mi bémol majeur, op. 47
20ème Festival de Pâques de Deauville - du 23 avril au 7 mai 2016 Liya Petrova Violon , Antoine Tamestit Alto , Victor Julien-Laferrière Violoncelle , Adam Laloum piano ,
1.Sostenuto assai – Allegro ma non troppo |
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2.Scherzo. Molto vivace |
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3.Andante cantabile |
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4.Finale. Vivace |
En 1997, quatre jeunes solistes – Renaud Capuçon, Jérôme Pernoo, Nicholas Angelich et Jérôme Ducros - fondaient le festival de Pâques de Deauville avec Yves Petit de Voize et le parrainage spontané de Maria João Pires, d’Augustin Dumay et d’Emmanuel Krivine. Dans l’écrin idéal de la salle Elie de Brignac (célèbre pour ses ventes de pur-sang) ils invitèrent à les rejoindre tout ce que la France comptait de jeunes musiciens de chambre doués et ambitieux. Du trio à l’orchestre et de la musique baroque à celle de notre époque, une centaine de jeunes instrumentistes et d’ensembles se retrouvent toujours chaque printemps à Deauville dans le même esprit d’amitié et de partage qui prévalait il y a vingt ans. Des carrières s’y sont révélées, des vocations affirmées et des ensembles s’y sont formés comme Le Cercle de l’Harmonie de Jérémie Rhorer. « Incubateur de talents, lieu unique de rencontres et d’expérimentations » (La Tribune), le festival de Pâques de Deauville réunit toujours « tout ce qui naît ou s’affirme, avec une conception large du répertoire » (Le Monde).