Concert

21ème Festival de Pâques de Deauville
du 15 au 30 avril 2017

En 1997, quatre jeunes solistes – Renaud Capuçon, Jérôme Pernoo, Nicholas Angelich et Jérôme Ducros - fondaient le festival de Pâques de Deauville avec Yves Petit de Voize et le parrainage spontané de Maria João Pires, d’Augustin Dumay et d’Emmanuel Krivine. Dans l’écrin idéal de la salle Elie de Brignac (célèbre pour ses ventes de pur-sang) ils invitèrent à les rejoindre tout ce que la France comptait de jeunes musiciens de chambre doués et ambitieux. Du trio à l’orchestre et de la musique baroque à celle de notre époque, une centaine de jeunes instrumentistes et d’ensembles se retrouvent toujours chaque printemps à Deauville dans le même esprit d’amitié et de partage qui prévalait il y a vingt ans. Des carrières s’y sont révélées, des vocations affirmées et des ensembles s’y sont formés comme Le Cercle de l’Harmonie de Jérémie Rhorer. « Incubateur de talents, lieu unique de rencontres et d’expérimentations » (La Tribune), le festival de Pâques de Deauville réunit toujours « tout ce qui naît ou s’affirme, avec une conception large du répertoire » (Le Monde).
jeudi 27 avril 2017
Ce programme américain particulièrement original sera à n'en pas douter source d'heureuses découvertes. Si Gershwin est sans conteste le plus connu des cinq compositeurs à l'affiche, sa Lullaby (berceuse) pour quatuor à cordes ne saurait disputer la notoriété de Rhapsody in Blue, Porgy and Bess ou de dizaines d'airs tels « I got rythm », « 'S Wonderful » ou « The man I love ». Cette pièce en un seul mouvement d'une huitaine de minutes est l'œuvre d'un jeune compositeur partagé entre l'étude et Broadway. Elle commence par un unisson des quatre instruments auquel répondent aussitôt de grands écarts du violon, qui semble s'accorder, repris plusieurs fois par le violoncelle. S'y superpose alors le thème principal doucement chaloupé et langoureux. Restée dans un tiroir (ou une étagère !), cette musique ne fut dévoilée dans sa formation originale pour quatuor qu'en 1967 grâce aux bons soins d'Ira Gershwin, frère aîné du compositeur et parolier de la plupart de ses tubes. Entre-temps, George l'avait utilisée en 1922, dans « Has anyone seen my Joe? » un air de son opéra Blue monday.
L'œuvre suivante présente un des pères de la musique américaine d'aujourd'hui, celle que l’on dit, de façon réductrice ou condescendante, répétitive ou minimaliste. Sans doute moins célèbre, en France tout du moins, que ses contemporains Philip Glass et Steve Reich fêtés dans le monde entier, Terry Riley navigue pourtant comme eux entre les styles (du jazz au classique en passant par les musiques du monde et le rock), les genres (la musique pour le théâtre, le cinéma ou le concert) et les effectifs (du piano seul à l'orchestre). Peut-être sa longue barbe et ses tenues exotiques, sans parler de son installation dans son Sri Moonshine Ranch en Californie, ont-ils contribué à le faire passer pour un gentil illuminé, un chaman ou un baba cool. Excellent pianiste de jazz, passionné par John Coltrane et Thelonious Monk, grand connaisseur de la musique indienne, Terry Riley s'est particulièrement intéressé à l'improvisation, orientant la musique vers une forme ouverte, contestant ainsi la structure clairement organisée et fermée de la musique occidentale. Composé en 1980 à l'attention du quatuor Kronos, Sunrise of the Planetary Dream Collector évoque d'ailleurs en son début les intonations de la musique indienne. Même si cette pièce repose sur un modèle de quatorze pulsations, elle semble abandonner ses « thèmes » (on peut facilement les identifier à l'écoute car ils sont répétés) au bon vouloir des interprètes et pourrait ne pas s'arrêter.
Benjamine de ce quintette de compositeurs, la new-yorkaise Jessie Montgomery, violoniste de formation, est encore inconnue en France. Son œuvre compte des pages pour voix soliste, pour orchestre et pour quatuor à cordes. L'artiste en connaît aussi bien les rouages que le répertoire puisqu'elle fait partie du Catalyst quartet, fondé en 2010, où elle tient l'archet de second violon. Cet ensemble s'intéresse autant à la création qu'à la musique du passé (Beethoven, Bartók) et a ainsi enregistré son propre arrangement des Variations Goldberg de Bach ainsi que Strum. Créée en 2006, révisée en 2012, cette œuvre justifie son titre par le style de jeu particulier du violon. Le strumming (de to strum : gratter) consiste à jouer un instrument à cordes comme une guitare. L'écriture à la fois dynamique et lyrique de Jessie Montgomery se déploie sur les sept minutes que dure Strum.
« Génie et pionnier »
c'est ainsi que Leonard Bernstein présentait Charles Ives durant l'un de ses
fameux Young People's Concerts
télévisés. Il est vrai que l'audace de ce compositeur du dimanche (il vivait de
son métier d'assureur et s'adonnait à la musique durant son temps libre) ne laisse pas d'étonner. Dans ses compositions
orchestrales, se superposent et se télescopent différentes feuilles de musique
(le défilé d'une harmonie municipale, une sirène de pompier, des mélodies
populaires, etc) en un joyeux bazar ou en une singulière apesanteur (The
Unanswered Question).
Ecrit alors qu'il étudiait encore à
Yale, son quatuor n° 1 De l'Armée
du salut se montre moins radical mais néanmoins
singulier. Initialement conçu pour orgue, instrument qu'Ives maîtrise dès
ses quatorze ans, et quatuor, il en conserve la forme classique en quatre
mouvements mais en abandonne les titres (Chorale, Prelude, Offertory,
Postlude). Le premier mouvement adopte la forme rigoureuse de la fugue.
Ives l'étoffera pour en faire le troisième mouvement de sa symphonie n° 4. Mais le compositeur portait
déjà un intérêt manifeste à l'art de la citation : le thème principal est
en effet celui d'un air connu sous le nom de Missionary Hymn (From Greenland's Icy Mountains). Le mouvement
suivant de forme ABA poursuit sur la même voie et utilise le chant gospel Beulah
Land (A) et l'hymne Shinning Shore. Il réapparaîtra dans les deux
mouvements suivants. Le troisième mouvement commence cependant par citer un
autre chant religieux, Nettleton (Come, Thou
Fount of Every Blessing). Le finale
présente une des premières expériences de superposition (de mesure et de
mélodie) chère au compositeur et s'achève sur une cadence plagale, c'est-à-dire
paisible, malgré les trémolos nerveux des archets, comme bien de pièces
religieuses, affirmant ainsi le titre sans équivoque de ce quatuor.
Rough Math et Scrapyard Exotica semblent morcelés et discontinus bien qu'assujettis à une irrésistible force motrice. Plus lyrique, Mating Dance confie la ligne mélodique au premier violon et à l'alto tandis que le second violon et le violoncelle se chargent de l'accompagnement. Le finale, Viscera, se réfère explicitement à l'agitation continue des organes et imagine le quatuor engagé dans une course folle.
Programme
George Gershwin (1898-1937) , Lullaby pour quatuor à cordes
21ème Festival de Pâques de Deauville - du 15 au 30 avril 2017 Quatuor Niles ensemble
Lullaby |
Mason Bates (1977-) , Bagatelles pour quatuor à cordes et électronique
21ème Festival de Pâques de Deauville - du 15 au 30 avril 2017 Quatuor Niles ensemble ,
1.Rough Math |
|
2.Scrapyard Exotica |
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3.On a Wire. Mating Dance |
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4.Viscera |
Charles Ives (1874-1954) , Quatuor à cordes n° 1 « From the Salvation Army »
21ème Festival de Pâques de Deauville - du 15 au 30 avril 2017 Quatuor Verdi ensemble ,
1.Andante con moto |
|
2.Allegro - Allegro con spirito |
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3.Adagio cantabile - Allegretto - Andante con moto |
|
4.Allegro marziale - Poco andante con moto |
Jessie Montgomery (1981-) , Strum pour quatuor à cordes
21ème Festival de Pâques de Deauville - du 15 au 30 avril 2017 Quatuor Niles ensemble
Strum |
Terry Riley (1935-) , Sunrise of the Planetary Dream Collector pour quatuor à cordes
21ème Festival de Pâques de Deauville - du 15 au 30 avril 2017 Quatuor Verdi ensemble
Sunrise of the Planetary Dream Collector |
En 1997, quatre jeunes solistes – Renaud Capuçon, Jérôme Pernoo, Nicholas Angelich et Jérôme Ducros - fondaient le festival de Pâques de Deauville avec Yves Petit de Voize et le parrainage spontané de Maria João Pires, d’Augustin Dumay et d’Emmanuel Krivine. Dans l’écrin idéal de la salle Elie de Brignac (célèbre pour ses ventes de pur-sang) ils invitèrent à les rejoindre tout ce que la France comptait de jeunes musiciens de chambre doués et ambitieux. Du trio à l’orchestre et de la musique baroque à celle de notre époque, une centaine de jeunes instrumentistes et d’ensembles se retrouvent toujours chaque printemps à Deauville dans le même esprit d’amitié et de partage qui prévalait il y a vingt ans. Des carrières s’y sont révélées, des vocations affirmées et des ensembles s’y sont formés comme Le Cercle de l’Harmonie de Jérémie Rhorer. « Incubateur de talents, lieu unique de rencontres et d’expérimentations » (La Tribune), le festival de Pâques de Deauville réunit toujours « tout ce qui naît ou s’affirme, avec une conception large du répertoire » (Le Monde).